Gabriel·le, Vivien Bessières, Rouergue doado noir

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

Gabriel.le

« Gaby pour Gabrielle, comme l’ange Gabriel, mais avec deux L – beaucoup mieux pour voler… »
C’est ainsi que le personnage au centre de ce roman se présente. Genrée au féminin, elle aime maintenir le doute en répondant d’un sourire ambigu lorsqu’on lui demande si elle est bien une fille.
Mais le jour où une photo lui attribuant un sexe masculin commence à circuler, elle se met à la recherche de la personne qui l’a agressée pour réaliser ce cliché (photoshopé ?)
Son suspect numéro 1 : Tomaz, le narrateur de cette histoire. Et pour mener son enquête, une étrange machine permettant de filmer les traumas.

Gabriel·le est un roman qui traite en premier lieu de l’identité de genre, sujet parfois mal mené et malmené par les auteurices qui s’y attaquent, et c’est ici presque un sans faute. Il y est aussi question du poids de la transmission filiale, de la violence des mots et des comportements patriarcaux, de ce qui peut faire d’un ado sans histoires un prédateur qui s’ignore.
Dans ce roman se mêlent noirceur et espoir, violence et amitié, le tout saupoudré d’expressions remaniées avec humour. J’ai particulièrement aimé cette plongée dans l’esprit de Tomaz et son évolution.

Un roman à lire à partir du lycée.

 

Mélanie Delaporte

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, Gilles Paris, Gallimard Jeunesse

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

En tant que libraire, j’ai à cœur de vous conseiller des livres que j’ai aimés, et je me contente en général de passer sous silence ceux qui m’ont déplu.
Mais, parfois, il faut savoir faire des exceptions, et c’est aujourd’hui d’un livre qui m’a insupportée de bout en bout que je viens vous parler. Non pas parce qu’il me plaît de critiquer un livre auquel je n’aurais pas accroché, mais parce que celui-ci, qui vise un public adolescent, comporte tant de passages malaisants ou malsains qu’il m’en paraît dangereux.

Je ne pourrais pas ici détailler tout ce qui pose problème dans ce livre – j’ai fait une première version de cet article de près de 3000 mots, consultable ici –, je vais donc essayer d’aller à l’essentiel.

Si le résumé pourrait nous faire croire qu’un groupe d’amis, choqué par le suicide d’une fille de leur établissement, va chercher à comprendre comment elle en est arrivée là, et que l’histoire tournerait autour de ce personnage d’Iris et de du harcèlement qu’elle a subi, il n’en est rien, ou presque. Nous allons plutôt suivre une galerie de personnages de quinze ans, en seconde, qui ne pensent qu’à la fête ou au sexe, et qui vont faire preuve, tout au long du roman, d’attitudes ou de réflexions sexistes ou homophobes, mettant en avant la culture du viol ou encore le slut-shaming, sans aucune remise en cause ou presque.
Cela se ressent dès le premier chapitre où Iris, violée par son beau-père, retrouvant à peine ses esprits après s’être évanouie, réalise qu’elle ne sera plus vierge pour aucun garçon. Comment imaginer qu’une telle idée traverse les pensées d’une jeune fille qui vient de subir un viol ?
La suite verra un garçon embrasser des gens en soirée sans aucun consentement, un autre faire monter la fille qui lui plaît, alcoolisée, dans une chambre, et lui imposer un rapport sexuel auquel elle ne s’attendait pas – et si le mot n’est jamais prononcé, il s’agit pourtant d’un viol. La meilleure amie de la fille s’inquiétera seulement que son amie puisse passer pour « la pute du lycée » pour avoir couché dès le premier soir et tout finira bien, puisque ce garçon et cette fille deviennent un couple qui ne se quittera plus de tout le récit. Quelle saine image d’un début de relation…
Nous ne saurons d’ailleurs pas si ce premier rapport était protégé, mais nous apprendrons par la suite que cette adolescente décide d’utiliser un stérilet pour éviter les grossesses. Oui, c’était apparemment important pour l’auteur de parler de la protection contre les grossesses non désirées, puisque c’est le deuxième personnage féminin à nous parler de son stérilet (et que le sujet sera encore abordé plus tard), mais l’absence d’un seul mot concernant l’utilisation de préservatifs pour éviter les MST n’en est que plus flagrante…

En résumé, ce roman qui se veut parlant d’ados et pour les ados semble en cruel décalage avec la réalité. Qu’il nous vienne d’un homme dont c’est le premier roman pour cette tranche d’âge n’est donc pas étonnant. Mais qu’il soit publié, a fortiori après être passé entre les mains d’éditrices, et dans une maison d’édition telle que Gallimard Jeunesse, est incompréhensible en 2021, à l’heure de #MeToo…

 

Mélanie Delaporte

Sur le vif, Elizabeth Acevedo, éd. Nathan

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

Sur le vifEmoni, jeune américaine de dix-sept élevée par sa grand-mère d’origine portoricaine, a un véritable don quand il s’agit de cuisine. Passionnée depuis toute petite, elle sait instinctivement marier les saveurs et transformer un plat classique en une toute nouvelle version.
Quand un cours sur les arts culinaires espagnols s’ouvre dans son lycée, c’est l’occasion rêvée d’en apprendre encore plus et de dévoiler son talent… mais Emoni doit aussi penser à son travail pour aider sa grand-mère a payer les factures, et s’occuper de sa fille de deux ans, alors ces heures supplémentaires au lycée, Emoni a du mal à les envisager…
Mais si ce cours pouvait lui ouvrir de nouveaux horizons ?

Sur le vif est le deuxième roman d’Elizabeth Acevedo publié en France. À travers des chapitres alternant vie présente et réflexions sur son identité et ses souvenirs, sa narratrice nous y parle de passion et de responsabilité, de doutes et de persévérance, de préjugés, de famille et d’amitié… et d’amour, peut-être, aussi ?

Mélanie Delaporte

Ceux qu’on oublie, Chloé Lume, éd. Leha

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

Ceux qu'on oublieEsther aura bientôt dix-sept ans. Comme tous les adolescents de cet âge, elle sera alors enrôlée pour une guerre lointaine, dont tout ce qu’elle sait est que personne n’en est jamais revenu.

Louis est l’exception à cette règle : aveugle, il échappera à ce sort et restera auprès de sa mère, coincé dans cette vie monotone mais loin de tout danger.

Sauf que sa rencontre avec Esther va bouleverser le quotidien du garçon ; l’adolescente refuse l’avenir qu’on lui a tracé, et elle se pose bien trop de questions pour attendre sagement qu’on l’envoie à la guerre. Elle entraîne Louis dans sa recherche de vérité, le poussant à dépasser ses limites, et la réalité qu’ils découvrent bientôt est au-delà de ce qu’ils auraient pu imaginer…
Lorsque leur vie passée se révèle n’être qu’un mensonge, ils doivent lutter pour avoir une chance de connaître un avenir.

Un premier roman de SF dystopique qu’on ne lâche pas.

Mélanie Delaporte

L’année de grâce, Kim Liggett, éd. Casterman

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

L'année de grâce Pour Tierney, l’avenir ne se résume qu’à deux options : devenir une épouse ou affronter une vie de dur labeur. Et ce n’est même pas un choix qui dépend d’elle, mais seulement du bon vouloir des hommes ; dans ce monde où les petites filles sont marquées du sceau de leur famille dès leur plus jeune âge, ses désirs n’ont aucune valeur.
Mais encore faudrait-il qu’elle revienne de l’année de grâce : comme toutes les jeunes filles lors de leur seizième année, Tierney va être envoyée loin du comté où elle a grandi pour vivre son année de grâce, et se débarrasser de sa magie capable d’ensorceler les hommes. Tierney a pourtant beaucoup de mal à croire à cette magie ; elle n’en ressent pas vraiment, et n’en voit pas chez les femmes qu’on brûle sur le bûcher en les accusant de l’avoir utilisée.
De l’année de grâce, Tierney ne sait presque rien, malgré ses tentatives pour en apprendre plus en grandissant ; le sujet est interdit, et les femmes qui en reviennent sont traumatisées, si ce n’est mutilées. Bientôt, elle y sera confrontée…

Ce roman dystopique, dur, puissant, féministe, est porté par une très belle écriture qui nous accroche des premières lignes et jusqu’à la fin. On y découvre une société où les femmes sont asservies par la peur, et où les hommes sont capables de se comporter en monstres pour défendre leurs intérêts… ou parfois, simplement pour permettre aux leurs de survivre…

Mélanie Delaporte

Les Petites Reines, Clémentine Beauvais, Sarbacane

CatégorieLittérature ado
ParAmi(e) des Vraies Richesses

Cette année encore Mireille est élue Boudin de son école mais de bronze et non d’or comme les années précédentes. Un garçon de sa classe n’a rien trouvé de mieux que d’organiser un concours sur Facebook pour élire les filles les plus moches de Bourg-en-Bresse mais cette année sera différente pour Mireille. En effet, elle décide de soutenir les deux autres malheureuses gagnantes : Hakima et Astrid. La lycéenne découvre ainsi qu’elles ont toutes les trois des raisons différentes de se rendre à Paris le jour du 14 juillet. De cette manière, elles s’embarquent dans une traversée en vélo à travers la France. Pour montrer leur autodérision face à ce concours elles décident avec humour de vendre des boudins lors de ce voyage. Ce groupe d’amies parle de l’acceptation de soi ainsi que du regard des autres et la manière dont chacune le perçoit et leur permet de grandir un peu plus.

Aux allures de livre léger, Les Petites Reines dénonce plusieurs sujets importants tels que la proportion et la propagation des faits divers par les médias qui ne cessent de poursuivre les trois jeunes filles lors de leur périple ainsi que les répercussions que peuvent avoir les réseaux sociaux. L’autrice joue avec le lecteur en grossissant les traits des personnages secondaires et en créant des scènes parfois improbables toujours pleines d’humour.

 

Anaëlle Rousseau

Louis Pasteur contre les loups-garous, Flore Vesco, Didier Jeunesse

CatégorieLittérature ado, Littérature jeunesse / albums
ParMélanie

Louis Pasteur contres les loups-garousLouis Pasteur, jeune homme de dix-neuf ans, vient à Paris pour étudier à l’institution royale Saint-Louis. Provincial boursier au milieu de tous ces jeunes gens aisés et bien éduqués, il détonne par son manque de manières et par son courage. Il ne désire qu’étudier et se consacrer à la science et ignore encore le premier soir, lorsqu’un élève est étrangement agressé, que ses projets risquent d’être mis à mal par un mystérieux ennemi…
Dans l’école de filles d’en face, Constance de Villeneuve-Letang veille à la discipline de ses camarades ; jeune fille de famille noble, gracieuse et parfaitement éduquée, elle sait aussi parfaitement s’intégrer au décor. Bref, tout ce qu’on attend d’une jeune fille en 1840.
Mais Constance est bien plus que cela, même si elle l’ignore elle-même ; sa rencontre avec Louis  va marquer le début de sa métamorphose.
Tous deux vont mener l’enquête pour comprendre ce qui se trame certaines nuits dans les couloirs du pensionnat, Louis usant de sa science et Constance tournant de plus en plus le dos aux conventions, au risque de détruire sa réputation.

Mélangez de la science, de l’humour ainsi qu’une dose de frisson à l’aide d’une plume de qualité, et vous obtenez Louis Pasteur Contre les Loups-Garous.
Comme dans son précédent roman et pourtant de manière totalement différente, Flore Vesco fait preuve de talent lorsqu’il s’agit de manier les mots ! Le vocabulaire scientifique est bien sûr de la partie, se mêlant au quotidien jusqu’à décrire la couleur des cravates du doyen et, même si je ne sais toujours pas de quelle couleur est l’oxyhydroxyde de fer, je ne peux que vous recommander cette lecture.
Oui, je l’avoue, je n’ai pas compris tous les mots que j’ai lus. Je n’ai pas ouvert le dictionnaire à chaque fois, puisque j’en aurais bien vite oublié le sens (et l’orthographe). Mais le talent de Flore Vesco est aussi là : nul besoin de tout comprendre pour avoir envie de continuer de tourner les pages.

 

Mélanie Delaporte.

De Cape & de Mots, Flore Vesco, Didier Jeunesse

CatégorieLittérature ado, Littérature jeunesse / albums
ParMélanie

Séraphine Marie-Geneviève Alexandrina de Notre-Dame Chancies du Jousselinier Senestre lez Castiche de l’Auberivière sié l’Ostel de la Colline, dite Serine, est une jeune fille espiègle, qui a toujours préféré les pirouettes aux bonnes manières que sa mère tente désespérément de lui enseigner.
Alors, lorsque Serine décide de devenir demoiselle de compagnie auprès de la reine, sa mère la comtesse est persuadée qu’elle n’a aucune chance à la cour.
Peu importe, Serine prend la route, intrépide, prête à tenter sa chance au palais. Mais être demoiselle de compagnie est une véritable épreuve, surtout lorsque l’on s’attire l’inimitié de ses camarades… Mais la jeune fille est pleine de ressources et ne se laisse pas facilement décourager !

Voilà un roman plein de poésie, d’humour et de malice ! Il nous plonge dans un univers proche du conte, avec une héroïne espiègle et intelligente et de nombreux personnages hauts en couleur.
Flore Vesco manie les mots avec charme, en déterrant certains des tréfonds de notre langue et en inventant d’autres aussi intrigants qu’une esperlune !
Rien d’étonnant, donc, que ce roman ait remporté plusieurs prix depuis sa sortie !

Pour en écouter un extrait, c’est ici.

Mélanie Delaporte.

Rouge Tagada / Mots rumeurs, mots cutters / Bulles & blues / Invisible, Charlotte Bousquet & Stéphanie Rubini, Gulf Stream

CatégorieBD, Littérature ado
ParMélanie

               

Aujourd’hui, ce n’est pas un livre, mais quatre, que nous allons vous faire découvrir. Quatre romans graphiques, écrits par Charlotte Bousquet et illustrés par Stéphanie Rubini.

Rouge Tagada, c’est l’histoire d’amitié entre Alex, qui raconte l’histoire, et Layla, la nouvelle du collège. Les deux jeunes filles deviennent vite inséparables, mais lorsque Layla tombe amoureuse pendant les vacances de Pâques, tout bascule… Parce qu’Alex, tout à coup, ne semble plus si importante pour Layla, et parce que les sentiments de notre jeune narratrice ne s’arrêtent pas à une simple amitié…

Dans Mots rumeurs, mots cutters, il est question de Léa ; l’adolescente tombe amoureuse de Mattéo, le redoublant qui fait craquer les filles de sa classe, et a la chance de sortir avec. Mais une photo va venir gâcher cette relation et entraîner la jeune fille dans une spirale de moqueries et de harcèlement.

L’histoire de Bulle & blues nous est racontée par Chloé ; la jeune fille, très proche de Soan avec qui elle a grandi, le voit s’éloigner et en souffre. Comme si cela ne suffisait pas, elle n’est douée qu’en dessin et sa mère est loin de considérer cela d’un bon oeil, au vu de ses notes. Heureusement, il y a au moins une personne prête à croire en elle.

Invisible, enfin, c’est Marie. Marie qui se trouve trop grosse, Marie qui est bien trop timide, Marie qui est invisible, au collège comme à la maison. Marie qui aimerait plaire à Soan, qui prend confiance en elle lorsqu’il commence à lui parler. Marie qui garde ce qu’elle a sur le coeur, parce que personne ne s’y intéresse…

Quatre histoires différentes, quatre narratrices, mais quatre romans graphiques liés par la classe de Quatrième D.
L’adolescence, ses petits soucis et ses plus grandes tragédies, s’animent au rythme des vies de nos quatre principales protagonistes, qui se croisent d’un roman à l’autre. La douceur du dessin accompagne à merveille les sujets souvent douloureux ; le texte et l’illustration sont en parfaite harmonie et l’ensemble est tellement bien pensé qu’on peut retrouver, en prêtant attention aux détails des images, le personnage principal d’un des romans graphiques dans les illustrations d’un autre, les liant encore un peu plus.

 

Mélanie Delaporte.

Bluebird, Tristan koëgel, Didier Jeunesse

CatégorieLittérature ado
ParMélanie

Depuis toute petite, Minnie parcourt les routes du Sud des Etats-Unis avec son père songster. Ils jouent dans les bals et les plantations, libres d’aller où ils le veulent quand tant d’autres se tuent à la tâche dans les champs de coton.
Lorsque la jeune fille se blesse à la cheville, c’est sur la plantation de Charley Silas qu’ils s’arrêtent le temps qu’elle se rétablisse ; Silas est un homme mauvais et ceux qui surveillent pour lui le travail sur la plantation, le contremaître Irlandais et l’Indien Gros Poings, sont tout aussi craints, si ce n’est plus. Elwyn, le fils de l’Irlandais, a l’air bien différent… et Minnie et lui tombent amoureux.
Seulement, tout n’est pas simple dans le Sud des années 1940 et la haine que certains portent aux Noirs détruit de nombreuses vies. C’est ainsi que Minnie, dévastée par ce à quoi elle assiste le jour de leur départ de la plantation, décide de fuir le Sud à jamais… C’est à Chicago que se jouera son destin, loin du Sud qui, croit-elle, lui a tout pris.

Bluebird nous transporte dans un passé violent où l’espoir domine pourtant, porté par le blues et par des personnages aux destins inattendus. Roman à trois voix, chaque narrateur dévoile au départ une facette de l’histoire, jouant avec brio sur les mensonges et les faux-semblants.

Mélanie Delaporte.